Bruny Surin
Sur la bonne piste
Comment la passion et la planification du sprinter légendaire ont ouvert un monde de possibilités pour la deuxième étape de sa vie
Il y a quelque chose de poétique chez un homme qui a vécu sa vie au rythme d’un sprint de 100 mètres, mais qui a trouvé le moyen d’aborder son parcours personnel avec l’aisance et le rythme d’un marathonien.
Bruny Surin est une dichotomie fascinante.
Ce Montréalais de 55 ans, originaire de Cap-Haïtien, en Haïti, possède bien des atouts : il est champion du monde, père et mari comblé, philanthrope, homme d’affaires et conférencier, en plus d’être une source d’inspiration pour les gens du Québec, du pays et du monde entier.
Sans doute plus connu pour son rôle dans l’équipe canadienne de relais 4 x 100 mètres qui a enflammé le monde en remportant une médaille d’or aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996, Bruny doit se pincer à l’idée de porter à nouveau fièrement la feuille d’érable en tant que Chef de mission d’Équipe Canada pour Paris 2024.
« Quand j’ai enfin reçu l’appel, j’ai sauté de joie. Je me suis dit que c’était de la folie », raconte Bruny, tout sourire.
Les bonnes choses prennent du temps. Il s’agissait de sa quatrième tentative pour décrocher le prestigieux poste au sein du Comité olympique canadien, depuis sa première entrevue pour les Jeux olympiques de 2010 à Vancouver. Il a même fouillé dans ses anciens échanges de courriels avec le COC pour s’assurer de la chronologie afin de se motiver un peu plus.
Soyons honnêtes, après 12 ans, la plupart des gens auraient jeté l’éponge, mais il n’est pas surprenant que Bruny ait refusé d’abandonner son rêve. Abandonner ne fait pas partie de son ADN.
« Je me suis vu à Saint-Michel, quand j’avais le rêve d’être olympien et que les gens me disaient d’oublier ça. Ils disaient “tu n’as pas d’argent, tu vis dans un quartier difficile, laisse tomber ton rêve” », se rappelle Bruny. « Mais j’ai fait ce que je devais faire et je me suis dit que je voulais rester impliqué dans le sport. Je ne voulais pas mettre mes médailles dans une boîte à la maison, tout ce savoir et cette expérience. Je voulais en faire profiter la prochaine génération. »
Les candidats au poste de Chef de mission sont soumis à un processus rigoureux d’entrevue, et un seul Canadien chanceux sort du lot victorieux.
Tout comme il avait l’habitude de jauger ses concurrents sur la ligne de départ, Bruny se souvient en plaisantant d’avoir jeté un coup d’œil dans les recoins pour voir les autres athlètes pendant le processus des entretiens, juste pour savoir contre qui et quoi il devait se mesurer.
Préparation, préparation, préparation.
« Je dois être fidèle à moi-même. Je dis aux gens que s’ils veulent quelque chose, ils doivent persévérer. Si je ne le fais pas moi-même, alors je leur mens », déclare Bruny, qui a appris très tôt dans sa vie à regarder au-delà des difficultés.
Comme tant d’autres qui émigrent vers un nouveau pays, Bruny n’avait pas toutes les cartes en main lorsqu’il est arrivé d’Haïti à Montréal à l’âge de sept ans. Ses parents étaient arrivés un an plus tôt, et s’étaient installés dans le quartier de la Petite Italie. C’est là qu’ils ont construit les bases de leur vie de famille.
« L’une des premières choses que ma mère m’a dites, c’est : “Ici, tu as toutes les opportunités. Quoi que tu fasses, c’est une question de persévérance. Ne triche jamais. Il n’y a pas de raccourcis dans la vie, tu dois travailler” », se rappelle Bruny.
C’est cet état d’esprit qui a propulsé Bruny à travers sa jeunesse, le poussant à faire abstraction du bruit et à se concentrer sur la meilleure version de lui-même. Heureusement, il y a eu des personnes sur son chemin qui ont vu quelque chose en lui et qui ont joué un rôle essentiel dans son développement.
Étienne Seguy, son professeur d’éducation physique à l’École secondaire Lucien-Pagé, a été l’un de ses premiers modèles. Alors qu’il se préparait pour les championnats régionaux de l’école en secondaire 1, Bruny se souvient que M. Seguy l’avait poussé au-delà de sa zone de confort pour la toute première fois. C’est un sentiment qu’il a apprécié, sans réaliser à quel point cela ferait une différence dans son développement.
Daniel St-Hilaire, le premier entraîneur à recruter officiellement Bruny dans le monde de l’athlétisme à l’âge de 17 ans, représente une autre relation déterminante de son parcours vers la célébrité. « Il est venu au Complexe sportif Claude-Robillard quand j’étais en secondaire 1. J’ai gagné le triple saut, il s’est présenté comme membre de l’équipe nationale et m’a donné sa carte. Je ne l’ai jamais appelé », se souvient Bruny en riant. « Mais chaque année, aux championnats régionaux, il continuait à venir. Il a vu quelque chose. »
Il avait bien raison.
Bruny a poursuivi une carrière de classe mondiale comme l’un des humains les plus rapides de la planète, ponctuée par un meilleur temps personnel de 9,84 secondes lors de la finale du 100 mètres aux Championnats du monde de l’IAAF de 1999 à Séville, en Espagne. Cette course lui a valu une médaille d’argent derrière le sprinter américain Maurice Greene et demeure le temps le plus rapide jamais réalisé par un Canadien, à égalité avec Donovan Bailey pour le record national, un temps que le Jamaïcain originaire d’Oakville avait réalisé aux désormais légendaires Jeux d’Atlanta en 1996.
Et pourtant, malgré l’exploit personnel de Bruny en 1999, c’est le relais de la médaille d’or de 1996 avec Bailey, Glenroy Gilbert et Robert Esmie qui semble avoir touché le plus les Canadiens.
« Les gens n’ont pas oublié et c’est ce qui m’étonne. Dans toutes les conférences que je fais, les gens me disent toujours qu’ils se souviennent de 1996, où ils étaient et comment ils ont fêté. J’en ai encore la chair de poule », raconte Bruny.
Mais en quoi ce moment particulier nous rassemble-t-il encore en tant que Canadiens? Peut-être avons-nous tous ressenti un peu de l’histoire de Bruny ce jour-là.
« Des années après cette victoire, quelqu’un est venu me voir et m’a dit : “Je me souviens de notre victoire en 1996”. C’est la première fois que j’ai réalisé l’impact de cette course, dit-il. Ce n’était pas quatre gars qui couraient. C’était la nation. C’est magique. »
Et ce n’est que des années plus tard que Bruny a pu apprécier pleinement l’impact de ce moment sur ses propres enfants, Katherine et Kimberley. Il se souvient encore d’une visite à l’école de sa fille aînée, Kim, pour parler avec les élèves.
« Je suis entré et les enfants applaudissaient. J’ai vu le visage de ma fille. [Il fait une pause et rit.] Elle m’a demandé après coup pourquoi j’étais venu à son école et pourquoi ils applaudissaient tous », raconte Bruny.
Parce que pour elles, il n’était pas Bruny Surin, il était juste papa.
C’est exactement ce que voulait Bruny pendant ses années de compétition : une séparation saine entre la piste et la vie de famille.
Mais c’était aussi un moment d’apprentissage décisif pour ses filles, qui allaient commencer à découvrir une autre facette de la personne que le monde célébrait déjà depuis des années.
« C’est alors que j’ai commencé à leur en dire de plus en plus. Quand elles ont commencé à faire du sport, à participer à des compétitions, je leur ai dit de ne jamais se mettre de pression supplémentaire. Les gens allaient comparer et leur parler de moi », raconte Bruny.
Lui et sa femme Bianelle ont toujours encouragé leurs filles à suivre leur propre voie.
C’est ce qu’ont fait Katherine et Kimberley, qui ont poursuivi leurs activités sportives et les compétitions pendant de nombreuses années. Kat a fini par accrocher ses crampons après une carrière d’athlétisme réussie pour se concentrer sur sa vie dans le monde de la finance, tandis que Kim s’est imposée comme une figure créative et influente de l’industrie cinématographique. Elles ont toutes deux su reconnaître le bon moment pour changer de cap, un instinct qu’elles ont hérité de leur père.
« J’ai éteint la lumière et c’était fini », dit-il en parlant de sa décision de prendre sa retraite en 2002. « J’avais d’autres rêves, d’autres objectifs. J’étais très conscient avant la fin de ma carrière. »
Alors que tant d’athlètes ont du mal à tourner la page, Bruny mentionne Sylvie Bernier, ancienne plongeuse canadienne et médaillée d’or, comme étant la personne qui l’a aidé à comprendre l’importance de préparer le terrain pour la vie après le sport.
« Elle m’a dit que je devais préparer ma sortie, ma transition. Ensuite, j’ai écrit ce que je voulais faire. Je voulais créer une entreprise, créer une fondation, m’impliquer dans l’immobilier, j’avais une longue liste », raconte Bruny. « Tout ce que je fais maintenant, je l’ai préparé. Dès que j’ai pris ma retraite, j’ai construit ma maison, lancé mon entreprise et commencé à donner plus de conférences. »
Au cours des deux dernières décennies, grâce à une source apparemment inépuisable de perspectives et de bonne volonté, Bruny a exploité au maximum chaque occasion de redonner à la communauté.
La fondation Bruny Surin, qui fait la promotion des bienfaits physiques et psychologiques d’un mode de vie sain et actif auprès des jeunes étudiants, est un parfait exemple de l’empreinte de Bruny sur la prochaine génération.
« C’est très important pour moi; 95 % des gens m’ont dit que je perdais mon temps à l’âge de 17 ans. Je vais dans les écoles; des enfants me disent que les gens les découragent. Savez-vous combien de vies, combien de rêves vous pouvez détruire comme ça? » dit Bruny.
Bruny apporte également son attitude positive aux conférences d’entreprise, tant virtuellement qu’en personne, en incitant les professionnels de tous horizons à agir et à ne jamais accepter un refus. Compte tenu des lourdes conséquences de la pandémie, il n’est pas surprenant qu’il soit souvent appelé à parler de travail d’équipe, de persévérance et de résilience, autant de sujets qui sont profondément ancrés dans son parcours personnel.
Il y a toujours eu une ligne d’arrivée à l’horizon pour Bruny, mais jamais de fin en vue. Quelle sera la prochaine étape ?
« Je veux devenir un conférencier plus international », dit-il. Lorsqu’on lui demande quels sont ses autres objectifs, il admet, avec un clin d’œil et un sourire, qu’il préfère les garder secrets pour l’instant.
Toujours planifier, toujours rêver.
On the right track
How the legendary sprinter’s passion and planning opened a world of possibilities in the second leg of his life
There’s something poetic about a man who has sprinted through life 100 metres at a time, yet has found a way to approach his personal journey with the poise and pace of a marathon runner.
Bruny Surin is a fascinating dichotomy.
The 55-year-old Montrealer and native of Cap-Haïtien, Haiti is also many other things — a world champion, proud father and husband, philanthropist, businessman, motivational speaker, and all-around inspiration to people in Quebec, across the country, and around the world.
Arguably most famous for his role on Canada’s 4x100-metre relay team that set the world ablaze with a gold medal at the 1996 Summer Olympics in Atlanta, Surin has to pinch himself at the thought of proudly wearing the maple leaf once again as Canada’s Chef de Mission for Paris 2024.
“When I finally got that call, I was jumping in the air. I was like, this is insane,” says Surin, beaming.
Good things come to those who wait. It was his fourth attempt to land the prestigious role with the Canadian Olympic Committee, dating back to his first interview for the 2010 Olympics in Vancouver. He actually dug into his old email exchanges with the COC to be sure of the timeline for a little extra motivation.
Let’s face it, 12 years is plenty of time for most people to throw in the towel, but it should come as no surprise that Surin refused to quit on his dream. Quitting just isn’t part of his DNA.
“I saw myself in St. Michel when I had the dream to be an Olympian and people told me to forget it. They said ‘you have no money, you live in a tough neighbourhood, forget about your dream’,” recalls Surin. “But I did what I had to do and told myself I wanted to stay involved in sport. I didn’t want to put my medals in a box at home, all that knowledge and experience. I wanted to use that for the next generation.”
Anyone in line for the role of Chef de Mission goes through a rigorous interview process with only one fortunate Canadian emerging from the lot each time.
In the same way he used to size up his competitors across the line before the sudden blast of the starter’s pistol, Surin jokingly remembers peering around private corners to see some of the other athletes during the interview process, just to see who and what he was up against.
Preparation, preparation, preparation.
“I have to be true to myself. I tell people that if they want something, they need to persevere. If I don’t do it myself, I’m lying to them,” says Surin, who learned early on in life how to look beyond the challenges.
Like so many others who emigrate to a new country, Surin had the cards stacked against him when he arrived in Montreal from Haiti at the age of seven. His parents had arrived a year earlier, settling in the city’s Little Italy district. From there, they would lay the foundation for their family’s life ahead.
“One of the first things my mom said was, ‘Here, you have all of the opportunities. Whatever you do, it’s about perseverance. Never cheat. There are no shortcuts in life, you have to work’,” recalls Surin.
It’s that mindset that propelled Surin through his younger years, pushing him to block out the noise and focus on being the best version of himself. Thankfully, there were others along the way who saw something in him and played a vital role in his development.
Étienne Seguy, Surin’s physical education teacher at École secondaire Lucien-Pagé, was one of those early role models. While preparing for school regionals in Secondary 1, Surin remembers Mr. Seguy pushing him beyond his comfort zone for the very first time. It was a feeling he appreciated, without realizing how much of a difference it would ultimately make in his development.
Daniel St-Hilaire, the first coach to officially recruit Surin into the world of athletics at the age of 17, represents another defining relationship on his path to stardom. “He came to the Complexe sportif Claude-Robillard when I was in Sec 1. I won the triple-jump, he introduced himself from the national team and gave me his card. I never called him,” recalls Surin with a laugh. “But every year, at regionals, he kept coming. He saw something.”
He sure did.
Surin went on to have a world-class career as one of the fastest humans on the planet, punctuated by a personal best run of 9.84 seconds in the 100-metre final at the 1999 IAAF World Championships in Seville, Spain. That run earned him a silver medal behind American sprinter Maurice Greene and still stands up as the fastest time ever for a Canadian, tied with Donovan Bailey for the national record, a time the Jamaican-born Oakville native posted at the now-legendary 1996 Atlanta games.
And yet, despite Surin’s personal feat in 1999, it’s that gold medal relay run in ’96 with Bailey, Glenroy Gilbert and Robert Esmie that seems to resonate most with Canadians.
“People didn’t forget and that’s what amazes me. Companies who hire me, in every conference I do, people always tell me they remember 1996, where they were and how they celebrated. I still get goosebumps,” says Surin.
But what exactly was it of that particular moment that still binds us together as Canadians? Perhaps we all felt a little of Surin’s story in us that day.
“Years after that win, someone came up to me and said ‘I remember when we won in 1996’. That’s the first time I realized the impact of that race,” says Surin. “It wasn’t four guys running. It was the nation. That’s magic.”
It also wasn’t until many years later that Surin would fully appreciate the impact of that moment on his own children, Katherine and Kimberley. He still remembers a visit to his eldest daughter Kim’s school to speak with the students.
“I came in and the kids were just clapping. I saw my daughter’s face. [pauses and laughs] She asked me afterward why I came to her school and why they were all clapping,” says Surin.
Because for them, he wasn’t Bruny Surin, he was just dad.
That’s exactly what Surin wanted during his competition days — a healthy separation between the track and family life.
But it was also a pivotal teaching moment for his girls, who were about to start discovering another side of the person the world had already been celebrating for years.
“That’s when I started to tell them more and more. When they were a little bit older, in sports, doing more competition, I told them to never put any extra pressure on themselves. People were going to compare and talk to them about me,” says Surin.
Both he and his wife Bianelle have always been adamant about encouraging their daughters to follow their own path.
Katherine and Kimberley did just that, and went on to enjoy many years of sports and competition of their own. Kat eventually hung up her cleats after a successful track career to focus on her life in the world of finance, while Kim has established herself as a creative and influential figure in the film industry. They both recognized the right time to change course, an instinct they inherited from their father.
“I turned off the light and that was it,” he says of his decision to retire in 2002. “I had other dreams, other goals. I was very aware before the end of my career.”
While so many athletes struggle to move on, Surin points to former Canadian diver and fellow gold-medalist Sylvie Bernier as the person who helped him realize the importance of laying the groundwork for life after sport.
“She told me I needed to prepare my exit, my transition. After that, I wrote what I wanted to do. I wanted to start a business, start a foundation, be involved in real estate, I had a big list,” says Surin. “Everything that I’m doing now, I prepared it. As soon as I retired, I built my house, started my business, and started to do more conferences.”
Over the last two decades, with a seemingly bottomless well of perspective and goodwill, Surin made the most of every opportunity to give back to the community.
The Bruny Surin Foundation, which promotes the physical and psychological benefits of a healthy and active lifestyle among young students, is a perfect example of Surin’s fingerprint on the next generation.
“It’s very important to me. Ninety-five per cent of people told me I was wasting my time at the age of 17. I go into schools; I have kids telling me that people are discouraging them. Do you know how many lives, how many dreams you can kill like that?” says Surin.
Surin takes his can-do attitude to corporate conferences as well, both virtually and in-person, challenging professionals from all walks of life to take action and never take no for an answer. Considering the heavy toll of the pandemic, it should come as no surprise that he’s often called upon to speak about teamwork, perseverance, and resilience — all topics that are deeply-rooted in his personal journey.
There’s always been a finish line on Surin’s horizon, but never an end in sight. So what’s next?
“I want to be more of an international speaker,” he says. When pressed about other future goals, he admits with a wink and a smile that he’d rather keep those under wraps for now.
Always planning, always dreaming.