Nakuset

Changer l’avenir en se rappelant le passé

Le parcours difficile d’une leader dans la communauté autochtone la pousse à changer le système

« Je serais morte. Vraiment, je serais morte », murmure Nakuset.

Sans une once d’exagération dans la voix, la directrice générale du Foyer pour femmes autochtones de Montréal et cogestionnaire de Résilience Montréal admet que sa vie aurait pris un tournant fatal si sa Bubby n’avait pas été là.

Originaire de la nation crie de Lac La Ronge, en Saskatchewan, Nakuset a été adoptée par une famille juive de Montréal pendant la tristement célèbre Rafle des années 1960. Sa Bubby (terme yiddish pour grand-mère) était son salut à un moment où plus rien ne semblait sûr, pas même la maison dans laquelle elle avait été parachutée contre sa volonté...

« [Grâce à elle], j’ai arrêté de me sentir comme si j’étais une sorte d’extraterrestre, une loser ou une fouteuse de troubles », dit-elle, reconnaissante de l’amour et du soutien inconditionnels de sa Bubby, une chose rare pour elle à l’époque.

Les identités culturelles ont été dépouillées durant cette époque, lorsqu’on a « raflé » des milliers d’enfants autochtones de leurs foyers, de leurs communautés et de leurs familles entre les années 1960 et le milieu des années 1980. Comme Nakuset, ces enfants ont ensuite été adoptés par des familles de classe moyenne majoritairement non autochtones aux États-Unis et au Canada.

Comme plusieurs autres enfants, le lien de Nakuset avec son riche héritage a été impitoyablement et soudainement rompu. Elle ne s’est jamais sentie à l’aise dans son monde d’adoption. Toujours étrangère, toujours sous le microscope culturel. 

« Au secondaire, on ne comprenait même pas ce que je vivais. Je suis allée à l’école avec d’autres enfants mohawks et ils descendaient tous du bus de Kahnawake, dit-elle.  J’étais la seule autre enfant autochtone de l’école. Ils me reconnaissaient comme autochtone, mais en sachant que je n’étais pas vraiment de là-bas, que je vivais dans les collines de Westmount. »

Avant son décès, la Bubby de Nakuset lui a offert une autre bouée de sauvetage, en l’aidant à reprendre contact avec sa sœur qui la cherchait depuis leur séparation dévastatrice durant leur enfance.

« Sonya et moi avons été séparées par la Rafle des années 1960. Elle s’est réveillée et j’étais partie », se souvient Nakuset. « Elle avait six ans. Nous dormions dans le même lit du foyer d’accueil. Nous étions soudées l’une à l’autre. Tout à coup, elle s’est réveillée, j’étais partie et personne n’avait de réponses pour elle. »

Une fois qu’elles ont été réunies, Nakuset a été réconfortée par l’amour inconditionnel de Sonya, jusqu’au jour où elle s’est suicidée. Un autre coup dur.

Pourtant, même dans la mort, Sonya a trouvé le moyen d’utiliser sa propre souffrance pour encourager sa sœur à poursuivre son travail en tant que leader communautaire et activiste reconnue.

« Elle m’a envoyé une vidéo », raconte Nakuset. « Elle m’a dit d’utiliser ce succès pour faire savoir à quel point la Rafle des années 1960 a été dévastatrice, pour faire la lumière ».

Nakuset a atteint cet objectif et bien plus encore. Une partie de cette illumination est venue de sa volonté de s’ouvrir dans le cadre d’un court documentaire révélateur de la CBC sur son parcours traumatique, intitulé « Becoming Nakuset ».

« Je trouve bizarre que les gens soient si intéressés parce que j’ai une vie tragique », dit-elle, admettant à quel point elle s’est sentie exposée depuis la sortie du film.

« Je pense que ça donne un peu plus de profondeur à qui je suis, dit-elle. Maintenant que les gens le voient, je pense qu’ils comprennent un peu mieux à quel point il a été difficile pour moi d’arriver là où je suis. Ce que j’aime, c’est que j’ai eu l’occasion de faire valoir ma Bubby. »

Aujourd’hui, Nakuset travaille avec le Foyer pour femmes autochtones de Montréal. Depuis près de 35 ans, l’organisme offre un abri et un soutien aux femmes des Premières Nations, inuites et métisses et à leurs enfants. Nakuset s’est joint à l’organisme en 1999 et n’a cessé depuis de remuer ciel et terre pour la communauté.

« Je ne travaillerais nulle part ailleurs. Je ne travaillerais dans aucun autre domaine. J’aime faire ce que je fais et j’aime faire avancer les choses rapidement », dit-elle.

Le logement de deuxième étape pour les femmes autochtones est l’un de ses principaux champs de bataille actuellement. Lorsque les femmes arrivent au refuge pour la première fois, elles sont en situation de crise. Ce qui se passe après cette phase initiale a toujours été dangereusement incertain en raison d’une lutte constante pour obtenir des ressources.

« C’est vraiment difficile de trouver un logement, dit Nakuset. C’est vraiment difficile de trouver quelque chose qui soit communautaire et qui apporte un soutien. Et il n’y a rien comme ça pour les femmes autochtones de Montréal et leurs enfants. »

Des progrès ont cependant été réalisés sur ce front, avec la construction d’un nouvel immeuble à logements abordables dans le quartier de la Petite-Bourgogne. Ce nouveau bâtiment ne résoudra pas l’ensemble des problèmes de logement ni les raisons pour lesquelles il est nécessaire, mais c’est un pas de plus dans la bonne direction. 

Ces familles auront un toit au-dessus de leur tête, et les nouveaux locaux permettront aux intervenants en toxicomanie, travailleurs sociaux, psychologues et autres experts du refuge de continuer à aider les personnes dans le besoin.

Le travail de Nakuset avec Résilience Montréal est un autre exemple de sa détermination à s’attaquer aux inégalités systémiques qui l’empêchent de dormir la nuit. 

Résilience Montréal offre un espace sûr et accueillant pour les personnes sans-abri, en mettant l’accent sur la communauté autochtone qui occupe le square Cabot au centre-ville de Montréal.

« Le square Cabot est un endroit tellement étrange », soupire-t-elle. « Vous avez la tente commémorative Raphaël André qui accueille jusqu’à 150 personnes la nuit, qui sont sans-abri et pauvres, et vous regardez de l’autre côté de la rue et vous voyez des condos de plusieurs millions de dollars. C’est tellement étrange. »

La tente a obtenu une prolongation de ses activités jusqu’en décembre prochain, mais certains demandent une solution plus permanente et durable. Tel un phare dans un port sombre et orageux, elle offre une aide vitale aux personnes violentes, en état d’ébriété ou aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Mais une fois de plus, l’avenir d’un projet crucial dépend de la capacité à obtenir du financement supplémentaire et le soutien de nombreux partenaires. Pour Nakuset, c’est un cycle apparemment sans fin et souvent frustrant. 

« J’ai l’impression que je n’ai même pas effleuré la surface lorsqu’il s’agit de soutenir les populations autochtones. Je n’ai rien fait. Il y a tellement à faire », dit-elle, exaspérée.

Heureusement, elle ne se laisse pas abattre et continue à faire pression pour que les institutions commencent à mieux traiter les autochtones, que ce soit dans le cadre de la protection de la jeunesse, dans les hôpitaux, dans le système judiciaire ou ailleurs.

« Je ne suis pas un génie, mais je suis capable d’attirer des gens beaucoup plus intelligents pour faire avancer les choses, et ça inspire les autres, dit-elle. Ensuite, il suffit de leur rappeler comment faire ».

Et selon Nakuset, les meilleures solutions sont souvent les plus simples, celles que nous pouvons tous offrir. Des gestes simples comme donner de l’argent ou du temps à ces organisations ou à d’autres, ou même simplement être gentil avec les gens dans la rue. Apporter de la nourriture peut faire toute la différence.

« Agis, bon sang... ou je viendrai te voir », lance en riant la mère de trois enfants. « Les gens pensent que je suis terrifiante, mais je ne le suis pas. » 

Nakuset est tout sauf terrifiante. Au contraire, c’est sa détermination et sa persévérance admirables qui continueront de déteindre sur ses garçons Kistin (14 ans), Mahkisis (12 ans) et Mahihkan (8 ans) pendant des années. Ils ont même été nommés dans le but de pouvoir parler leur langue lorsqu’ils se présentent aux autres, ce qui prouve que rien dans la vie de Nakuset n’est involontaire.

Si son expérience a été difficile, voire carrément insupportable par moments, elle l’a poussée à changer le système. Le changement ne se fait pas du jour au lendemain, mais grâce à des personnes comme Nakuset, le changement est possible.

Sa Bubby serait fière.  

Changing the future by remembering the past

How an Indigenous community leader’s traumatic journey motivates her to change the system

“I would have been dead. Really, I would have been dead,” whispers Nakuset.

Without a hint of exaggeration in her voice, the Executive Director of the Native Women’s Shelter of Montreal and co-manager of Resilience Montreal admits that her life would have taken a fatal turn had it not been for her Bubby.

Originally from the Cree Nation of Lac La Ronge, Saskatchewan, Nakuset was adopted into a Jewish Montreal family during the infamous Sixties Scoop. Her Bubby (the Yiddish term for grandmother) was her salvation at a time when nothing felt safe, not even the home she’d been parachuted into against her will.

“[Because of her] I stopped feeling like I was some kind of alien, a big loser or troublemaker,” she says, grateful for her Bubby’s unconditional love and support, a rarity for her back then.

Cultural identities were stripped away during the Sixties Scoop, which was the large-scale removal or “scooping” of Indigenous children from their homes, communities and families between the 1960s and mid-1980s. Like Nakuset, they were subsequently adopted into predominantly non-Indigenous, middle-class families across the United States and Canada.

Like countless others, Nakuset’s connection to her rich heritage was ruthlessly and suddenly severed. She never felt at ease in her adopted world. Always an outsider, always under the cultural microscope. 

“People from high school didn’t even understand what I was going through. I went to high school with other Mohawk children and they all came off the bus from Kahnawake,” she says. “I was the only other Indigenous kid in school. They would recognize me as Indigenous, but knowing that I’m not really from there, that I was living in the hills in Westmount.”

Before she passed away, Nakuset’s Bubby once again offered a lifeline, helping her reconnect with the sister who’d been looking for her since their devastating childhood separation.

“Sonya and I were separated through the Sixties Scoop. She woke up and I was gone,” recalls Nakuset. “She was six years old. We slept in the same foster home bed. We clung to each other. All of a sudden she woke up, I was gone and nobody had any answers for her.”

Once reunited, Nakuset was comforted by Sonya’s familiar unconditional love, until the day she took her own life. Another painful blow.

Yet even in death, Sonya found a way to use her own personal suffering to encourage her sister to continue her work as a prominent community leader and activist.

“She sent me the suicide video,” says Nakuset. “She told me to use that success, to let people know about how devastating the Sixties Scoop was, to bring light.”

Nakuset has accomplished that and so much more. Part of that illumination has come from her willingness to open up for a revealing CBC short documentary on her traumatic journey, entitled “Becoming Nakuset.”

“I find it weird that people are so interested because I have a tragic life,” she says, admitting how exposed she’s felt since the release.

“I think it just gives a little more depth to who I am,” she says. “Now that people see it, I think they get a little more of an understanding about how hard it was for me to get to where I am. What I like is that I had the opportunity to lift up my Bubby.”

Fast-forward to the present and Nakuset’s work with the Native Women’s Shelter of Montreal. For nearly 35 years, the organization has provided shelter and support to First Nations, Inuit and Métis women and their children. Nakuset joined in 1999 and has been moving mountains for the community ever since. 

“I wouldn’t work anywhere else. I wouldn’t work in any other field. I love the fact that I get to do what I do and I love the fact that I get things done quickly,” she says.

Second-stage housing for Indigenous women is one of the key battlegrounds at the moment. When women first arrive at the shelter, they’re in crisis. What happens after that initial phase has always been dangerously uncertain due to a constant struggle for resources.

“It’s really hard to find housing,” says Nakuset. “It’s really hard to find something that is communal and supportive. And there is nothing like that for Indigenous women in Montreal and their children.”

Progress on that front is being made though, with a new affordable housing building on the horizon for the neighbourhood of Little Burgundy. The new building won’t solve the overall housing problems or the reasons why it’s needed, but it’s another step in the right direction. 

Not only will those families have the safety of a roof over their heads, but the new space will also allow the Shelter’s addictions worker, family care worker, psychologist and other experts to continue supporting those in need.

Nakuset’s work with Resilience Montreal is another example of how she determinedly chips away at the systemic inequities that keep her up at night. 

Resilience Montreal offers a safe and welcoming space for the homeless, with a focus on the Indigenous community that occupies Cabot Square in downtown Montreal.

“Cabot Square is such a strange place to be,” she sighs. “You have the Raphaël André Memorial Tent that has up to 150 people showing up at night, who are homeless and poverty-stricken, and you look across the street and you see multi-million dollar condos. It is so strange.”

Given an extension to operate until this December, there are requests to find a more permanent and sustainable solution for the tent. Like a lighthouse in a dark and stormy harbor, it offers vital aid to those who might be violent, under the influence, or have mental health issues.

But once again, the future of a critical project hinges on the ability to get more funding and buy-in from numerous partners. For Nakuset, it’s a seemingly endless and often frustrating cycle. 

“I feel like I haven’t even scratched the surface when it comes to supporting Indigenous people. I’ve done nothing. There’s so much to do,” she says, exasperated.

Luckily, there isn’t an ounce of quit in her as she continues to push for institutions to start treating Indigenous people better in youth protection, in hospitals, in the justice system and beyond.

“I’m not a genius, but I’m able to pull in people that are way smarter to make it happen and that inspires others,” she says. “Then you just have to remind them how to do it.”

And according to Nakuset, many of the best solutions are the easiest ones that any of us can provide. Simple gestures like donating money or time to these or other organizations, or even just being kind to those on the street. Dropping off food can make a world of difference.

“Act, damn it… or I’ll come meet you,” laughs the mother of three. “People think I’m scary, but I’m not.” 

Nakuset is anything but scary. Instead, it’s her admirable determination and perseverance that will continue to rub off on her boys Kistin (14), Mahkisis (12) and Mahihkan (8) for years to come. They were even named with the purpose of being able to speak their language whenever they introduce themselves to others, proving nothing about Nakuset’s life is unintentional.

While her experience has been difficult, even downright impossible at times, it has pushed her to alter the system. Change doesn’t happen overnight, but thanks to people like Nakuset, change is possible.

Her Bubby would be proud.  

Shaun McMahon

Avec 20 ans d'expérience combinée en tant qu'animateur radio, producteur, artiste voix off, journaliste, contributeur télé, agent en communications et rédacteur, les intérêts de Shaun McMahon sont vastes, mais se concentrent sur le sport, la musique, la technologie et la santé. Enfin, sa véritable passion se résume par son amour pour les gens et par sa quête de raconter leurs histoires incroyables.

With 20 years of combined experience as a radio host, producer, voiceover artist, journalist, TV contributor, communications specialist and feature writer, Shaun McMahon’s interests are vast, but often focus on sports, music, technology and healthcare. Ultimately, his true passion boils down to his love for people and the quest to tell their amazing stories. 

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