Martha Wainwright

PHOTO: GAËLLE LEROYER

Maman, musicienne, montréalaise

La famille. Certains se heurtent au concept, à la définition même du mot. Pourquoi? « La famille » est un mot lourd de sens qui, ironiquement, peut soit rapprocher les gens, soit les éloigner. Un exemple parfait est celui d’une famille bien de chez nous : le clan Wainwright-McGarrigle.

Vous connaissez sans doute l’histoire. Nous sommes au début des années 1970. Loudon Wainwright III, auteur-compositeur-interprète américain au statut culte, rencontre et épouse la chanteuse canadienne Kate McGarrigle. Kate a un parcours similaire : elle a enregistré des disques et fait des tournées internationales avec sa sœur Anna.

Le mariage semble parfait en théorie : des muses musicales nées de traditions similaires. Malheureusement, le mode de vie cliché du rock’n’roll se prête rarement au bonheur conjugal.

Mais même un arbre pourri peut porter des fruits. Le duo a mis au monde deux bébés qui allaient grandir et s’imprégner de leurs gènes d’auteurs-compositeurs. Martha et Rufus Wainwright sont tous deux devenus des artistes de renom, à leur manière et à leur rythme.

L’appel musical

En effet, Martha a pris son temps avec le monde de la musique. Alors que la popularité de son frère a décollé au moment où il le souhaitait, Martha a laissé libre cours à son destin. 

Après avoir travaillé sur des chansons et donné quelques concerts devant le public des cafés, elle a finalement tenté sa chance dans le monde de la musique. Le buzz s’ensuit. Dotée d’une voix puissante, d’un style vocal immédiatement reconnaissable et d’un cœur de poète, Martha a sorti son premier album en 2005.

Les comparaisons avec ses parents et son frère étaient inévitables. « Je ne peux pas séparer la musique de ma famille, et j’essaie de le faire autant que possible », a déclaré Martha dans une entrevue accordée au The Guardian. « Mais… Rufus et moi, on partait en tournée avec ma mère, et on chantait. Se produire ensemble est une façon d’être ensemble. »

Lors d’un récent entretien avec Montréal enSanté, Martha a déclaré que, pour elle, l’écriture de chansons peut apaiser des sentiments personnels. « Je pense que le but est de parler de choses personnelles afin d’établir un lien universel avec les autres. »

« Tout le monde a une famille, et je pense qu’ils peuvent comprendre le tumulte, les sentiments douloureux, les jalousies. Il est bon de tout mettre sur la table, car cela permet d’éviter les surprises. Dans ma famille, on encourageait l’écriture de chansons. Je pense que tout le monde voulait être sur le devant de la scène. Nous ne sommes pas là pour nous engueuler. Nous sommes une famille de musiciens, et
c’est harmonieux. »

Retour aux sources

L’harmonie, c’est ce que Martha a trouvé à Montréal. Après un divorce difficile (existe-t-il un autre genre?) et le décès de sa mère en 2010 après une longue bataille contre le sarcome, elle est revenue en ville près du Saint-Laurent.

« Montréal est l’endroit idéal pour grandir, et c’est en grande partie pour cela que j’ai ramené mes enfants, Francis et Arcangelo, de New York », a-t-elle déclaré au Financial Times. « Ils jouent librement dans les rues et vont chez tous les voisins dans un rayon de quatre pâtés de maisons. Parfois, je me demande si je ne devrais pas retourner à New York, où il y a plus d’opportunités de travail. Mais je me rends compte que je fais passer mes enfants en premier en restant ici. » 

Malgré les quartiers familiers et le confort de la routine, l’industrie musicale peut sembler être l’antithèse de la famille. « La société et ses structures — écoles, salaires, horaires — sont conçues pour servir au mieux les travailleurs de neuf à cinq, avec une semaine de travail de cinq jours », dit-elle à propos de sa carrière de mère et de musicienne de tournée. 

« Il peut être difficile de planifier les tournées et l’écriture en fonction de cela, mais je ne peux pas me plaindre parce que j’ai un travail que j’aime. Heureusement pour moi, je peux ajuster mon horaire du mieux que je peux pour tenir compte des horaires de l’école et de la garde des enfants. Montréal est un endroit où je peux mener de front mes activités de mère, de musicienne et d’entrepreneure. C’est une ville qui favorise la facilité et l’agilité. »

Histoires qu’elle ne regrette pas d’avoir racontées

Martha a récemment ajouté le titre d’auteure à sa liste de réalisations. Stories I Might Regret Telling You : A Memoir a été publié en mars 2022. Une pandémie mondiale lui a donné le temps de terminer son histoire. Les 250 pages de ce livre regorgent d’anecdotes sanglantes, drôles et déchirantes vécues sur la route, dans la chambre à coucher et à table lors des repas de famille. 

Dans une entrevue accordée au magazine australien In Review, elle explique qu’elle n’a pas pu s’appuyer sur les mêmes éléments pour écrire le livre que pour enregistrer un disque. « En fin de compte, le livre parle beaucoup de dynamique familiale — la mienne, évidemment —, mais je pense que les gens y reconnaîtront probablement beaucoup de choses sur leur propre famille. C’est aussi l’histoire personnelle d’une jeune femme qui a dû apprendre beaucoup de choses. »

Dans ses mémoires, elle dit ce qu’elle pense du talent naturel inscrit dans ses gènes : « Les journalistes me demandent souvent si je suis faite pour la musique. C’était le cas. Mais j’aime ça, et je voulais l’attention et le plaisir de jouer. J’étais marginale et souvent malheureuse, mais chanter et jouer de la musique me permettait de me sentir bien. Lorsque j’avais peur, que j’étais triste ou intimidée, ma voix pouvait me faire défaut. D’autres fois, elle me sauvait. »

URSA la grande ourse

Si Montréal est la ville de Martha, le Mile End est son quartier. Les artistes de toutes sortes y sont nombreux et l’ambiance créative qui règne de l’autre côté de la montagne est intense. Dans ses mémoires, elle raconte que l’ouverture du café URSA a été un grand projet, un travail d’amour. « J’ai acheté un vieil immeuble un peu délabré dans le Mile End... [et] j’ai ouvert un espace musical/café/bar/centre communautaire/clubhouse/galerie. »

Malheureusement, après seulement cinq ans, le café verra sa fin. « J’espère qu’URSA a nourri d’autres artistes , déclare Martha. Il m’a certainement nourrie, mais il fermera ses portes cet automne. La bonne nouvelle est que l’espace sera repris par Casa del Popolo et POP Montréal. Ils promettent d’utiliser l’espace pour continuer à apporter de la musique à Montréal. »

Autre mauvaise nouvelle : le concert annuel de Noël du clan Wainwright-McGarrigle n’aura pas lieu cette année. En collaboration avec la Fondation du cancer des Cèdres, Martha, Rufus et Anna McGarrigle ont réuni tous les musiciens et chanteurs du clan, qu’ils soient accomplis ou amateurs, pour honorer la mémoire de la matriarche Kate et récolter des fonds pour le Fonds Kate McGarrigle. 

« Nous allons prendre une pause après en avoir fait plusieurs d’affilée », explique Martha. L’organisation d’un tel événement avec des horaires de tournée et d’enregistrement aussi conflictuels est un projet d’envergure.

Ça ne fait que s’améliorer

Le spectacle reviendra l’année prochaine. « Chanter avec d’autres personnes, que ce soit en famille, en groupe ou en chorale, c’est toujours merveilleux et c’est probablement ce qui se rapproche le plus de la magie. » En parlant de magie, si Martha, 48 ans, pouvait voyager dans le temps et donner à Martha, 20 ans, quelques perles de sagesse, que dirait-elle? « Ça ne fait que s’améliorer! »  

Mom, Musician, Montrealer  

Family. Some grapple with the concept, the very definition of the word. Why not? “Family” is a loaded word, one that can, quite ironically, either bring people together or push them away. There’s no better example than one of Montreal’s own families: The Wainwright-McGarrigle clan.

You probably know the story. It’s the early 1970s. Loudon Wainwright III, American singer-songwriter with cult-status allure meets and marries Canadian chanteuse Kate McGarrigle. Kate has a similar resumé, what with recording and touring to international applause with sister Anna.

The match looks great on paper: musical muses born of similar traditions. Sadly, the clichéd rock-and-roll lifestyle rarely lends itself to marital bliss. 

But even a rotten tree can bear fruit. The duo gave the world two babies who would grow up and into their songwriting genes. Both Martha and Rufus Wainwright became renowned artists in their own way and at their own pace.

Musical calling

Indeed, Martha took her time with the music business. As her brother’s popularity took off almost as soon as he wanted it to, Martha took her time with destiny. 

After working on songs and playing a few live gigs to the café crowd, she eventually took a shot at the music biz. Buzz ensued. Equipped with powerful pipes, instantly recognizable vocal stylings, and a poet’s heart, Martha released her debut album in 2005. 

Comparisons to her parents and brother were inevitable. “I can’t separate music from my family, and I try to, as much as I can,” said Martha in an interview with The Guardian. “But… Rufus and I would go on the road with my mother, and we’d sing. We performed together as a way of being together.”

In a recent chat with Montréal enSanté, Martha says that, for her, songwriting can mend personal feelings. “I think the purpose is to talk about personal things in order to connect universally with others.”

“Everyone has a family and so I think they can relate to the turmoil, the hurt feelings, the jealousies. It’s good to have everything out on the table, because that way there are no surprises. In my family, it was encouraged in songwriting. I think everyone wanted to be centerstage. We’re not there to yell at each other. We’re a musical family, and that’s harmonious.”

Come home to Mama

Harmony is what Martha found in Montreal. After a difficult divorce (is there any other kind?) and the passing of her mother in 2010 after a long battle with sarcoma, she came back to the city on the St. Lawrence. 

“Montreal is the perfect place to grow up, which is largely why I brought my kids, Francis and Arcangelo, back from New York,” she told the Financial Times. “They play freely on the streets and go to all the neighbour’s houses within a four-block radius. Sometimes I wonder if I should go back to New York, where there are more work opportunities. But then I realize I’m putting my kids first by being here.” 

Despite familiar neighbourhoods and the comfort of routine, the music business might seem like the antithesis to family. “Society and its structures — schools, salaries, schedules — are designed to best serve nine-to-fivers with a five-day work week,” she says of her career as mom and touring musician. 

“It can be hard to schedule touring and writing around that, but I can’t complain because I have a job that I love. Luckily for me I can adjust my schedule as best I can to fit school and custody schedules. Montreal is a place where I can multitask as a mom, musician, entrepreneur. It’s a city that promotes ease and agility.”

Stories she doesn’t regret telling us

Martha recently added author to her list of achievements. Stories I Might Regret Telling You: A Memoir was published in March of 2022. A global pandemic afforded her the time to finally finish her story. The 250 pages crackle with lurid, funny, and heartbreaking tales from the road, the bedroom, and the family dinner table. 

In an interview with Australian magazine, In Review, she says she didn’t have the same things to lean on when writing the book as opposed to making a record. “The book ended up being a lot about family dynamics — my own, obviously — but I think there’s probably a lot that people recognize in there about their own families too. It’s also a personal story of a young woman who really had to learn a lot of stuff.”

Within the memoir, she says this about her view on natural talent that runs in her genes: “Journalists often ask if music was something I was made to do. I was. But I like it, and I wanted the attention and the fun of performing. I was a misfit and often unhappy but singing and playing music made me feel good... when I was afraid or sad or intimidated, my voice could fail me. Other times, it saved me.”

URSA was a bear

If Montreal is Martha’s city, Mile End is her quartier. Heavy with artists of every stripe, the creative vibe just the other side of the Mountain is thick. In her memoir, she says opening the URSA café was a big project, a labour of love. “I bought a slightly dilapidated old building in the Mile End... [and] opened a music space/café/bar/community center/clubhouse/gallery.”

Sadly, after only five years, the café will see its end. “I hope URSA nurtured other artists,” says Martha. “It has certainly nurtured me, but it will be closing this fall. The good news is that the space will be taken over by Casa del Popolo and POP Montreal. They promise to use the space to continue bringing music to Montreal.”

More unfortunate news: The Wainwright-McGarrigle Christmas concert will not take place this year. In years past, the collaboration between the Cedars Cancer Foundation, Martha, Rufus and Anna McGarrigle has brought together all of the musicians and singers in the clan — accomplished and amateur alike — to honour matriarch Kate’s memory and raise funds for the Kate McGarrigle Fund. 

“We’d like to take a year off after doing a few in a row,” says Martha. Organizing such an event with so many conflicting touring and recording schedules is surely a massive undertaking. 

It only gets better

Look for the show to return next year. “Singing with other people, whether family, in a group or in choir, that’s always wonderful and most likely the closest thing to magic we can get.” Speaking of magic, when asked if 48-year-old Martha could travel through time and give her 20-something self some pearls of wisdom, what would she say. “It only gets better!”     

Jason Santerre

Adepte de plein air, de la musique métal et de la sauce piquante, Jason demeure un collaborateur régulier du magazine Montréal enSanté après avoir passé sept ans en tant que rédacteur en chef.

A fan of the great outdoors, metal music, and hot sauce, Jason remains a regular contributor to Montréal enSanté Magazine after spending seven years at its helm as editor-in-chief.

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